Roxana Maracineanu est une ancienne nageuse de haut niveau et l’actuelle Ministre des Sports. Spécialiste des épreuves de dos, elle est devenue en 1998 la première championne du monde française de natation. Elle sera également seconde aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000 ou encore championne d’Europe en 1999. Retour sur le parcours réussi d’un joyau de l’immigration.
Née à Bucarest, en Roumanie, le 7 mai 1975, Roxana Maracineanu pratique dans son enfance la gymnastique. Son père part travailler en Algérie, emmenant sa famille qui s’extrait ainsi de la dictature de Ceausescu, bien qu’il soit surveillé par les services secrets roumains.. Ils peuvent ensuite rallier la France en 1984 où ils demandent l’asile et débarquent à Marseille. La petite famille traverse l’Hexagone, dormant dans une Renault 16, et fait étape dans des centres et familles d’accueil. Enfin, dernière étape du terminus à Mulhouse. Roxana Maracineanu a alors neuf ans. Après un passage de quelques mois à Riec-sur-Bélon dans un centre de transit, c’est à Blois qu’elle apprend le français, puis effectue ses études secondaires aux collèges Augustin-Thierry de Blois et Jean-Macé de Mulhouse. Elle est naturalisée française en 1991, à l’âge de seize ans. À Mulhouse, elle va mener de front études (elle est traductrice scientifique et sera diplômée d’une grande école de management) et pratique de la natation. Représentant le Mulhouse Olympic Natation, dont l’entraîneur est Lionel Horter, elle obtient ses premiers titres de championne de France sur 100 mètres et 200 mètres en 1991. Elle obtient de nouveau les titres du 100 mètres en été 1992, en 1994 lors des deux éditions, en hiver 1995, et du 200 mètres en hiver 1993 et en hiver 1995. Hélène Ricardo domine ensuite la spécialité et représente la France aux Jeux Olympiques de 1996 à Atlanta, où la France n’obtient aucune médaille dans la discipline.
CARRIÈRE EN ELECTROCARDIOGRAMME
À Séville, lors des championnats d’Europe 1997, Roxana Maracineanu est devancée par l’Allemande Antje Buschschulte sur le 100 mètres dos et termine troisième sur le 200 mètres dos, derrière les Allemandes Cathleen Rund et Antje Buschschulte. Lors des mondiaux de 1998 à Perth, en Australie, elle commence sa compétition par une sixième place lors du 100 mètres dos, course remportée par l’Américaine Lea Maurer. Avant la finale du 200 mètres, son entraîneur Lionel Horter lui assure que si elle est en tête aux 150 mètres, elle remportera la course. Première devant l’Allemande Dagmar Hase, elle devient la première française championne du monde de natation. Ses temps de passage au départ ne sont pas flamboyants. Mais Maracineanu fait moult longueurs, et le dos rond. Pas plus impressionnante physiquement que ses adversaires, elle décroche le titre planétaire avec fracas. Et devient un exemple d’intégration vanté en France. En 1999, elle obtient des résultats décevants lors des championnats de France, puis souffre d’une angine à son arrivée à Istanbul où se déroulent les championnats d’Europe. Sa première épreuve est le 200 mètres. Elle s’impose avec plus d’une seconde sur ses concurrentes, la Russe Yulia Fomenko et l’Allemande Cathleen Rund. Elle devient ainsi la première championne d’Europe française depuis Catherine Plewinski en 1993. En 1999, Roxana Maracineanu confirme son talent en remportant, le 27 juillet, le 200 mètres dos lors des Championnats d’Europe à Istanbul où s’illustrent également Franck Esposito (vainqueur du 200 mètres papillon) et Stephan Perrot (vainqueur du 200 mètres brasse). Elle remporte ensuite une deuxième médaille, de bronze, sur le 100 mètres, course remportée par l’Allemande Sandra Völker devant l’Espagnole Nina Zhivanevskaya. Championne de France à Rennes sur 100 et 200 mètres dos, elle décide de faire l’impasse sur les Championnats d’Europe 2000 d’Helsinki, où Nina Zhivanevskaya remporte les trois distances du dos. Celle-ci figure parmi les favorites de la première course de la discipline du dos aux Jeux olympiques de 2000 à Sydney, avec une Roumaine de seize ans, Diana Mocanu, et la Japonaise Mai Nakamura. C’est finalement Mocanu qui s’impose, devant la Japonaise et l’Espagnole, Roxana Maracineanu terminant quatrième. Quatre jours plus tard, Maracineanu part rapidement et est en tête après les 100 premiers mètres, mais Mocanu accélère sur la deuxième partie de la course, dépasse toutes ses concurrentes pour s’imposer avec deux secondes d’avance sur la Française. C’est la seule médaille en natation pour la délégation française. L’année suivante, après l’échec d’Atlanta, Claude Fauquet, directeur de l’équipe de France de natation puis directeur technique national à partir de 2001, décide de mettre en place une politique exigeante en termes de sélections, basée sur des mimimas. Roxana Maracineanu ne satisfait pas à ceux-ci pour trois centièmes, et Claude Fauquet ne la sélectionne pas pour les mondiaux de 2001 à Fukuoka. D’abord désavoué par le comité directeur de la Fédération, il obtient gain de cause après avoir menacé de démissionner. La délégation est finalement composée de cinq nageurs. En 2002, elle fait partie des quinze nageurs retenus pour les championnats d’Europe de Berlin. Elle a pour ambition de retrouver une place sur les podiums. Elle termine huitième du 200 mètres, dans le temps de 2 min 12 s 58 soit moins d’une seconde du temps de la troisième (2 min 11 s 59). Sur le 100 mètres, elle termine sixième de la finale, dans le temps de 1 min 2 s 62, à un peu plus d’une seconde de la troisième. Elle dispute également le 50 mètres où elle est éliminée en demi-finale avec le quinzième temps. Son échec est alors mis sur l’incompatibilité de mener des grandes études et une carrière d’athlète de haut niveau. Lors des championnats de France 2003, elle échoue à obtenir sa qualification pour les mondiaux 2003 de Barcelone : elle termine deuxième du 100 mètres puis est championne de France du 200 mètres, mais elle ne réalise pas les minima, son temps des demi-finales à 88 centièmes des minima la privant de qualification. Comme deux ans auparavant, elle n’est pas repêchée par Claude Fauquet malgré les polémiques. Lors de sa dernière possibilité pour obtenir une place dans la délégation française pour les Jeux Olympiques d’Athènes, au cours des championnats d’Europe de Madrid disputés trois semaines plus tard, elle termine quatrième de la finale, mais dans le temps de 2 min 14 s 28, soit au-delà des minima fixés à 2 min 12 s 78. En octobre 2004, elle annonce mettre un terme à sa carrière sportive, deux mois après le triomphe de Laure Manaudou sur 400 mètres aux Jeux Olympiques d’Athènes. La championne du monde 1998 a clairement inspiré la nouvelle star de la natation française : celle-ci avait envoyé une lettre à son idole alors qu’elle était enfant.
ROXY ET ROOKIE
En mars 2007, à l’occasion des championnats du monde de natation de Melbourne, elle est consultante pour France Télévisions aux côtés d’Alexandre Boyon et de Michel Rousseau, et pour L’Équipe TV. Depuis les Jeux olympiques de Pékin en 2008, elle est à nouveau consultante sur le groupe public et sur Europe 1. Elle renouvelle cette collaboration pour les mondiaux 2009 de Rome, les mondiaux en petit bassin de 2010 à Dubaï, les championnats d’Europe 2010 de Budapest, lors des Jeux olympiques de 2012 à Londres. Lors des championnats d’Europe 2014, c’est Frédérick Bousquet, blessé, qui assure un rôle de consultant auprès de Roxana Maracineanu, Alexandre Boyon et Nelson Monfort. Pour la compétition majeure suivante, lors des mondiaux 2015 de Kazan, le groupe France Télévisions, désireux de reformer le duo Philippe Lucas et Laure Manaudou, ne reconduit pas le contrat de Maracineanu. Avec la démission de Lionel Horter, démissionnaire du poste de directeur technique national (DTN), la Fédération française de natation (FFN) fait un appel à candidature auquel elle répond. En 2015, elle figure, avec Jacques Favre et Philippe Hellard, parmi les trois derniers candidats d’une liste établie par le ministère des Sports. Le poste est finalement attribué à Jacques Favre. Elle prend part au programme “Bien manger, c’est bien joué !” lancé en 2005 par la Fondation du sport. Elle participe également à la réalisation de vidéos adressées aux jeunes sportifs pour leur apprendre les bases d’une alimentation adaptée à l’effort physique, dans le cadre d’un programme de la Fondation du sport sensibilisant les enfants à l’importance de l’activité physique. Candidate sur la liste du Parti socialiste conduite par Jean-Paul Huchon (section des Hauts-de-Seine), elle est élue au conseil régional d’Île-de-France le 21 mars 2010. Elle intègre la commission sports et loisirs du conseil régional. Son mandat se termine avec le renouvellement du conseil régional le 13 décembre 2015. À la suite de nombreuses noyades d’enfants, en juillet 2018, le Premier ministre, Édouard Philippe, lui demande d’accompagner une mission interministérielle (Éducation nationale et Sports) chargée de réfléchir aux moyens d’améliorer notablement les résultats de la formation à la nage dans les écoles primaires. Le 4 septembre 2018, elle est nommée ministre des Sports dans le gouvernement Philippe II, en remplacement de Laura Flessel, démissionnaire.
Produit à la fois de la diversité et de la société civile, cette première de cordée rentre de bon cœur dans le moule macronien. A quarante quatre ans, elle porte l’espoir qu’avec des bonnes volontés, le monde de demain sera meilleur.
Ivan GADAY