Megan Rapinoe : footballeuse tout-terrain

Megan Rapinoe n’est pas la meilleure footballeuse de tous les temps, bien qu’elle fasse partie des meilleures. Elle n’est pas la plus grande, la plus forte mais elle marque son époque par ses prises de position et son caractère bien trempé. Portrait d’une sportive avant tout femme engagée et citoyenne du monde.

On la repère d’abord à ses cheveux courts et roses inspirés de son idole, Tilda Swinton. Si la première a su user de son allure androgyne, Megan Rapinoe, elle, s’en est servi pour créer sa propre catégorie : footballeuse star et contestataire. Depuis trois ans, la co-capitaine de la sélection américaine refuse de chanter l’hymne de son pays avant les matches. Une manière pour elle d’aller à l’encontre du mépris de Donald Trump pour ceux qui ne sont pas comme lui. Depuis 2016, en effet, elle affirme son soutien au joueur de football américain Colin Kaepernick, premier à boycotter l’hymne national pour dénoncer les violences policières visant les Noirs. Megan Rapinoe est infatigable sur le terrain comme en dehors. Elle ne tient pas ce caractère de manière génétique, elle qui est issue d’une famille très libérale qui a vécue près de Redding, l’une des villes les plus conservatrices du nord de la Californie. C’est à l’université de Portland, dans l’Oregon, qu’elle s’épanouit complètement, raflant à la fois le titre national avec l’équipe universitaire et un diplôme en sociologie et en sciences politiques.

PINOE PLUS QUE SIMPLE FOOTBALLEUSE

A l’Université de Portland, elle se fait un nom. Son équipe remporte plusieurs championnats de conférence et même la ligue nationale en 2005. Très vite, et alors qu’elle n’a que dix-huit ans, son destin va s’accomplir via un premier appel avec la sélection américaine. Malheureusement, une blessure aux ligaments croisés va freiner sa progression et l’empêcher de disputer la Coupe du Monde 2007. En parallèle, sa vie familiale est difficile. Son frère Brian, toxicomane depuis le lycée, adhère à des gangs suprémacistes blancs en prison mais garde une proximité avec sa soeur, par correspondance épistolaire. C’est lui qui l’a emmenée taper dans son premier ballon à l’âge de trois ans. Il a depuis suivi des cours à l’université, soigné son addiction à la drogue, effacé ses tatouages désolants et entamé sa dernière année de prison.

Pour revenir au terrain, il faut attendre 2011 pour voir Megan Rapinoe se révéler aux yeux du grand public en sélection, avec un mondial remarqué en Allemagne. Si les Américaines échouent en finale face au Japon, elle vont ensuite réussir le doublé Jeux Olympiques-Coupe du Monde, où Megan Rapinoe s’affirme comme un élément indispensable. De 2002 à 2005, Rapinoe évolue avec le Elk Grove Pride dans la Women’s Premier Soccer League, puis pour son équipe universitaire de Portland. Lors de la création de la Women’s Professional Soccer en 2009, Megan Rapinoe est la deuxième footballeuse sélectionnée par les Red Stars de Chicago. À l’intersaison 2010-2011, les propriétaires des Red Stars annoncent que l’équipe ne repartira pas pour la saison 2011 dans la WPS pour raisons financières et vont évoluer dans la ligue Women’s Premier Soccer League (WPSL). Rapinoe est alors recrutée par Independence de Philadelphie, puis échangée au MagicJack. Elle contribue à la qualification de son équipe en série éliminatoire mais MagicJack est finalement éliminé en demi-finale par son ancien club, Independence de Philadelphie. Elle part ensuite en Australie, au Sydney FC. Après des années de difficultés pour vivre de son sport, elle prend part à la première ligue professionnelle stable de football féminin aux Etats-Unis, en 2012, et intègre l’équipe de Seattle. Le 10 janvier 2013, elle s’engage avec l’Olympique lyonnais pour une durée de six mois. En désaccord avec son entraîneur, Patrice Lair, elle quittera Lyon en février 2014.

Le symbole Megan Rapinoe se construit, lui, petit à petit. En 2012, elle révèle son homosexualité. C’est une des premières sportives à l’avoir fait publiquement, dans un milieu où l’homosexualité est taboue. Elle se sent alors investie d’une mission sociale en lien avec ses idées politiques. Démocrate, elle s’exprime en faveur du mariage pour tous lorsqu’elle évoluait pour l’Olympique Lyonnais. Megan Rapinoe dispose d’une bonne cote de popularité aux Etats-Unis, où le football féminin est autant voire plus suivi que le football masculin. Son aura ne touche pour le moment que les Etats-Unis, mais la Coupe du Monde féminine a permis de lui conférer la position qu’elle occupe actuellement. Lorsqu’elle débarque en France, Megan Rapinoe se fait plutôt discrète médiatiquement. Pourtant, dans son pays, une affaire fait grand bruit. Avant le début de la Coupe du Monde, les joueuses américaines ont porté plainte contre la Fédération américaine de soccer pour “discrimination”. Les sportives lui reprochent de toucher moins de primes alors qu’elles génèrent plus de revenus que leurs homologues masculins. Megan Rapinoe et ses coéquipières se battent pour une égalité salariale réclamée depuis longtemps, une des causes de lutte des footballeuses du monde entier. À ce titre, les Américaines vont faire figure d’exemple, avec des primes égales à celles des hommes en sélection.

BORN IN THE USA

La première apparition de Megan Rapinoe pour son pays s’effectue avec l’équipe nationale des moins de dix-neuf ans. Ses apparitions les plus notables sont lors de la Coupe du Monde des moins de vingt ans, en 2004. Elle dispute son premier match pour l’équipe nationale des États-Unis en 2006 face à l’Irlande et inscrit un doublé avec l’équipe dès le mois d’octobre contre la Chine. Après sa blessure aux ligaments croisés, elle revient fort pour la Coupe du Monde 2011. Dans un match contre la Colombie, elle marque son premier but en Coupe du Monde et le célèbre en chantonnant Born in the U.S.A. de Bruce Springsteen au micro placé au bord du terrain. Lors de cette Coupe du Monde en Allemagne, elle évolue en tant que milieu gauche, plutôt offensive avec un rayon d’action très large, défendant et récupérant des ballons en défense, pour porter l’offensive vers ses attaquantes de pointe comme Abby Wambach. Droitière d’origine, Rapinoe frappe des deux pieds et tire les coups de pied arrêtés. Son football apporte une note créative et technique à sa sélection, qui s’incline en finale de la compétition face au Japon. Elle fait partie de l’équipe américaine sacrée championne olympique lors des Jeux Olympiques d’été de 2012. En 2013, elle remporte avec sa sélection l’Algarve Cup en écartant l’Allemagne (2-0) en finale. Elle est élue meilleure joueuse du tournoi.

En 2015 et 2019, elle devient championne du monde pour les troisième et quatrième titres planétaires de l’équipe féminine américaine. Lors de la dernière édition disputée en France, elle marque sur penalty les deux buts de son équipe en huitièmes de finale face à l’Espagne (2-1) et à nouveau les deux buts victorieux face à la France (dont un penalty) en quarts de finale (2-1). Elle ouvre également le score en finale contre les Pays-Bas, à nouveau sur penalty. Co-capitaine de la formation américaine avec Alex Morgan et Carli Lloyd, elle est la co-meilleure buteuse du tournoi avec six réalisations en compagnie d’Alex Morgan et de l’Anglaise Ellen White et est désignée par la FIFA meilleure joueuse de cette huitième Coupe du Monde. A trente-quatre ans, Megan Rapinoe est la favorite incontestée du prochain Ballon d’Or. Une fois sur le podium, elle déclare : “Je sais qu’il sait qu’on va avoir une discussion sérieuse bientôt.” Une phrase adressée à Gianni Infantino, le président de la FIFA. Megan Rapinoe n’a peur de rien ni de personne. Le manque de visibilité du football féminin dans le monde était souvent expliqué par l’absence de modèles, de sources d’inspirations comme ont su le faire d’autres sportives telles que Serena Williams ou Lindsey Vonn. Alex Morgan, Marta ou encore Amandine Henry étaient les visages annoncés de cette Coupe du Monde en France. Et finalement, c’est une tornade aux cheveux violets qui a raflé cette place. Elle incarne désormais le football féminin et représente surtout un symbole d’espoir dans son pays.

Après sa victoire, l’équipe américaine parade sur le Canyon des Héros de Broadway. Devant l’hôtel de ville, la superstar aux cent cinquante-huit sélections pour cinquante buts prononce un discours où elle déclare notamment : “C’est de mon devoir de vous dire cela : nous devons être meilleurs. Nous devons aimer davantage, haïr moins. Nous devons écouter plus et moins parler. Nous devons savoir que c’est de la responsabilité de chacun. C’est de notre responsabilité de rendre ce monde meilleur. Je pense que cette équipe fait un travail incroyable pour porter tout cela sur ses épaules. Oui, on fait du sport ; oui, on joue au football ; oui, on est des femmes athlètes, mais on est beaucoup plus que cela. Comment rendez-vous vos proches meilleurs au quotidien ? Donnez plus, soyez plus grands, meilleurs que vous ne l’avez jamais été.”

Ivan GADAY

Crédits photo : allure.com

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