Interview d’Aurore Pontonnier

Crédits photo : La Nouvelle République

Aurore Pontonnier enseigne l’économie et la gestion en lycée agricole. Ancienne trésorière du Comité Départemental de Cyclisme de la Vienne, elle est impliquée au sein de la J.P.C Lussac et arbitre des courses cyclistes. Interview d’une femme engagée dans sa passion, qui revient pour nous sur son parcours, sa vision du cyclisme et son travail en tant qu’arbitre au bord des routes.

Aurore, pour commencer, comment est né votre rapport au sport et plus particulièrement au cyclisme ?

Je ne suis pas issue d’une famille de sportifs donc ma relation au sport a été compliquée au départ. Le sport rentrait pour moi dans le cadre scolaire comme une activité désagréable. Je suis venue au sport et au cyclisme en tant que bénévole en rencontrant mon mari. Je suis plus à regarder les autres pratiquer le sport (rires). J’ai pu découvrir tout le côté social et relationnel du sport après mes dix-huit ans et ma pratique personnelle à un niveau loisirs est toute récente.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis issue d’un milieu social assez défavorisé. J’ai eu la chance de pouvoir faire des études avec l’obtention d’un BAC S et une poursuite jusqu’en Licence. J’ai travaillé durant de nombreuses années dans le conseil en gestion d’entreprise. Je viens de me réorienter dans l’enseignement, toujours dans l’économie et la gestion, en lycée agricole. Pour ce qui concerne le vélo, après ma découverte tardive de ce sport, j’ai dû passer deux-trois ans en tant que “femme de coureur” comme l’on dit souvent sur les bords de route, des termes très restrictifs. Puis mon mari a été amené à prendre la Présidence de son club très jeune car personne ne voulait s’y coller. Je me suis retrouvée à m’impliquer et ma vision des choses n’est pas d’être une femme derrière les personnes. Je me suis investie pour faire ma place, d’abord en tant qu’arbitre depuis 2012 puis l’année suivante en tant que trésorière du Comité de la Vienne. J’avais notamment une équipe de Nationale à gérer au niveau financier. J’ai pris du galon en tant qu’arbitre et laissé la trésorerie du Comité de la Vienne pour me consacrer à mes activités professionnelles, avec notamment la récupération de la trésorerie du club.

Pouvez-vous nous parler des actions mises en place par le Comité Départemental ?

Je reste élue au Comité. J’ai laissé la main sur la trésorerie pour me consacrer davantage à l’arbitrage. Nous avons notamment organisé des formations pour de nouveaux arbitres à l’automne. Je suis plus sur des actions qui ne nécessitent pas d’être mobilisé tout le temps. Au Comité Départemental, au-delà de la promotion de la pratique du cyclisme sous toutes les formes, nous sommes surtout axés sur la préparation des jeunes au sport de haut niveau. Cela se fait avec beaucoup de sélection chez les jeunes, notamment chez les cadets-juniors qui sont les catégories de détection dans le cyclisme. Nous avions fait le choix il y a six ans de créer une équipe de Division Nationale car aucun club de la Vienne n’était capable de porter une équipe de cet acabit. Il y a deux ans, nous avons décidé de fusionner cela avec deux soeurs, en créant une entité séparée qui porte l’équipe de division Nationale. Cette équipe se compose de jeunes qui sortent des juniors et qui ont un niveau suffisant pour l’intégrer. Nous servons d’antichambre à des équipes de Nationale 1 ou 2. Nous avons également quelques actions de stages auprès des jeunes sur la route, même si nous essayons de relancer le VTT piste. Ce sont des actions de dynamisation du cyclisme avec des championnats départementaux pour mettre en valeur les sportifs.

Quel est le niveau de développement du cyclisme dans le département ?

Je pense que nous sommes à la croisée des chemins car nous avons un département très fort dans le cyclisme sur route, le premier département organisateur de la région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons une des rares équipes féminines UCI, des sportifs en Division Nationale. Actuellement, ce que l’on remarque au niveau Fédéral et pas que dans la Vienne, c’est que la partie route compétition perd énormément de sportifs pour diverses raisons. Nous allons devoir prendre le virage du loisir et des sports qui se développent comme le VTT descente, le BMX … qui sont des domaines qui attirent des licenciés et sur lesquels nous ne sommes historiquement pas présents. Le dynamisme de la route se ralentit et il faut se repositionner sur des disciplines qui ne sont pas notre coeur historique, à l’inverse des Deux Sèvres ou de la Charente Maritime.

Vous êtes trésorière de la J.P.C Lussac. Pouvez-vous nous parler du club ?

C’est un petit club familial qui va avoir soixante-dix ans cette année et qui compte une soixantaine d’adhérents. Le club a limité ses organisations, pas plus de quatre. La philosophie du club est de fournir un cadre sympa sans prise de tête à des personnes qui font de la compétition mais pas à haut niveau. Nos coureurs vont des cadets aux troisième catégories FFC et diverses sections. Nous avons une vingtaine de coureurs en tout. Nous sommes un petit club qui essaie de garder le cap, ce qui est difficile dans la conjoncture actuelle. En particulier financièrement, où il y a moins de partenariats privés et publics. Il faut donc trouver d’autres solutions.

Est-ce que vous pourriez nous décrire une journée sur un évènement type en tant qu’arbitre ?

Cela commence plusieurs jours à l’avance, les engagements FFC étant clos trois jours auparavant. J’ai toujours un œil sur les engagés pour vérifier que les catégories sont autorisées et ne pas dire à celui qui a fait de la route qu’il ne pourra concourir. Nous avons un programme d’épreuves appelé un détail d’organisation pour regarder ce qui est précisé en termes de parcours, d’horaires, etc. La veille de l’épreuve, il faut préparer les documents dont on peut avoir besoin, même si beaucoup de supports sont sur numérique. On prépare un état de résultats, d’engagements, de primes, etc. Le jour de l’épreuve, en départemental ou régional, on arrive 1h30 avant le départ pour prendre contact avec l’organisateur, vérifier les dispositifs de sécurité prévus, ce qui est très important. Ensuite, on a une heure avant le départ pour vérifier les émargements une dernière fois. Puis on lance l’épreuve et notre rôle est de superviser le respect des règles de la Fédération. Certains collègues tournent en voiture ou moto sur l’épreuve pour voir ce qu’il se passe sur les différents groupes et d’autres restent vers le podium pour préparer l’établissement des classements. Nous sommes aussi garants de la sécurité des coureurs et pouvons mettre un terme à l’épreuve, ce qui arrive très rarement. A l’arrivée, nous avons deux tâches principales : établir le classement pour le protocole puis réaliser les documents qui remontent à la Fédération (déroulé, classement, sanctions, etc.). Il peut aussi y avoir une dimension d’explication auprès des sportifs. Quand tout va bien, on a fini le travail le soir de l’épreuve. Il y a parfois quelques réclamations mais en général, quand tout va bien, il faut compter 1h30 de travail avant puis après l’épreuve.

Le cyclisme est un sport populaire aux yeux du grand public mais entaché de scandales divers. Quelle est votre vision du cyclisme actuel ?

Je pense qu’il reste un sport populaire, apprécié, en partie car il est gratuit au niveau des spectateurs. Je pense que ce sport fait rêver car il est un sport d’endurance. Les gens n’imaginent pas les distances parcourues. C’est une question d’entraînement et de travail, qui suscite l’admiration. Je ne parlerai pas du côté dopage car le cyclisme est l’un des sports les plus contrôlés mais un de ceux où il y a le moins de sportifs détectés. On surveille beaucoup mais ne trouve pas et il faudrait regarder aussi dans d’autres sports. Le grand public est incité à penser cela par les médias car cela fait vendre et nous n’y pouvons rien. Ce sport est beau, avec des sportifs qui se donnent, qui n’ont pas peur de se faire mal au propre comme au figuré et qui vont au bout la majorité du temps. J’aime regarder ce sport, que je trouve très intéressant.

Selon vous, quelles sont les différences entre le cyclisme féminin et le cyclisme masculin ?

La principale différence est la médiatisation, et donc l’éclairage dessus. J’arbitre aussi des dames et il n’y a pas de grande différence dans la pratique sportive. Elles se donnent tout autant et nous avons les mêmes soucis avec les femmes qu’avec les hommes, les mêmes travers. Je pense que pour presque tous les sports “masculins” à parts féminines, il y a un manque de médiatisation qui fait que c’est difficile. Comment faire ? De plus en plus de médias retransmettent le sport féminin, ce qui amène le public à se diversifier sur des sports féminins. Pour voir du cyclisme féminin, on peut en trouver sur Internet. C’est une évolution et on découvre, on peut se prendre de plaisir. Ensuite, les moyens financiers. Ici, nous ne sommes pas bien placés pour en parler car nous avons une équipe historique qui arrive à un niveau intéressant par ses soutiens. Ces moyens sont le nerf de la guerre. Autre point, qui serait d’avoir un calendrier féminin plus étoffé, ce qui est plus difficile à avoir au niveau local. Les femmes courent avec les hommes sur des distances et rythmes pas toujours adaptés. Nous avons pas mal de féminines en écoles mais il faut du courage à un jeune âge pour passer ses semaines avec des garçons. Il faut développer la base compétitrice pour pallier l’isolement et développer le calendrier. On perd des jeunes au niveau des espoirs et il en reste très peu après.

Pour conclure, comment faire pour qu’un sort féminin soit aussi beau qu’un sport masculin ?

Je crois qu’il l’est, aussi beau. Ce sont des athlètes qui font de beaux sports, en tout cas dans le cyclisme. Je vois des jeunes filles qui descendent, cheveux longs, maquillées, qui font attention à leur apparence, comme les garçons. On a du beau et pour la partie sportive, les femmes se battent sur le vélo comme les hommes. C’est une question, j’en suis convaincue, de culture et d’attention qui font qu’on a encore des restes qui nous disent que le sport est pour les hommes virils et non pour les femmes.


Propos recueillis par Ivan GADAY.

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