Corinne Diacre : les yeux revolver

Corinne Diacre a évolué toute sa carrière en défense centrale à l’ASJ Soyaux et en Équipe de France féminine. Après avoir obtenu son certificat de formatrice en 2007, elle est entraîneuse de l’équipe fanion de l’ASJ Soyaux durant six ans, puis adjointe du sélectionneur Bruno Bini. En 2014, elle devient entraîneuse du Clermont Foot 63 et devient la première femme à entraîner sur le long terme une équipe professionnelle masculine. Le 30 août 2017, elle est nommée sélectionneuse de l’Équipe de France féminine de football. Retour sur un parcours de vie peu banal, marqué par la mort de son père durant son adolescence. Un drame qui lui a sans doute donné la force nécessaire pour devenir une pionnière dans le monde du football.

Née le 4 août 1974 à Croix, dans le Nord, Corinne Diacre est la fille d’un ancien footballeur reconverti ouvrier dans le textile. Durant son enfance, elle subit les migrations professionnelles liées à l’emploi de son père. La famille Diacre se dirige vers la région de Saint-Etienne en 1982, où Corinne Diacre prend sa première licence à Saint-Chamond. Puis direction la Creuse, où les petits clubs d’Aubusson et Azérables permettent à l’adolescente de parfaire ses gammes. A l’âge de quatorze ans, elle décide de quitter le cocon familial pour rejoindre le club de Soyaux, alors en première division, près d’Angoulême. Quelques mois plus tard, Corinne Diacre perd son père, Claude Diacre, dans un accident de la route, alors qu’il revenait d’une réunion de district. Après ce drame, Corinne Diacre a été prise sous son aile par Claude Fort, alors président du club. Une épreuve douloureuse dont elle ne parle que très peu, même avec ses anciennes coéquipières. La sélectionneuse, qui a également perdu sa mère Charline Diacre en 2014, n’évoque pas non plus sa vie privée et intime en public. Une vie d’épreuves pour forger son fort caractère.

En mars 1993, elle débute à l’âge de dix-huit ans son premier match en Équipe de France. Corinne Diacre devient très rapidement capitaine de la sélection nationale. En 2003, la défenseuse inscrit face à l’Angleterre le but le plus important de l’Équipe de France, celui qui qualifie le pays pour sa première Coupe du Monde. En août 2005, après douze années en équipe de France, elle annonce sa retraite internationale à l’âge de trente-et-un ans. Elle débute la saison 2006-2007 en D1 féminine avec l’équipe de l’ASJ Soyaux, malgré plusieurs propositions de clubs américains. En octobre 2006, elle se blesse lors de la rencontre Montpellier-ASJ Soyaux, souffrant d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit. Cette blessure la pousse à mettre un terme, à trente-deux ans, à sa carrière de footballeuse. Elle détiendra un temps le record de sélections en Équipe de France féminine (121).

CORINNE FOOT AUVERGNE

De 2007 à 2013, elle est entraîneuse de l’équipe fanion de l’ASJ Soyaux, après avoir obtenu son certificat de formatrice, ainsi que l’adjointe du sélectionneur de l’Équipe de France Bruno Bini, au côté d’André Barthélémy. En 2014, elle devient la première femme à obtenir le Brevet d’entraîneur de football professionnel, permettant d’entraîner des clubs de Ligue 1 et Ligue 2. Après le départ soudain, avant le début de la saison, de la Portugaise Helena Costa du Clermont Foot 63, le président du club, Claude Michy, annonce qu’il a reçu quarante-cinq CV d’entraîneurs mais qu’il a fait appel à une femme. Corinne Diacre devient la première femme entraîneuse d’une équipe de football masculine en France à ce niveau.

Corinne Diacre décroche sa première victoire lors de la sixième journée et termine la saison à la douzième place, la meilleure performance du club depuis 2002. En 2015, Clermont frôle la montée en Ligue 1. Une performance qui permet à Corinne Diacre d’être élue meilleure entraîneuse de Ligue 2 par France Football. Le Clermont Foot termine septième à la fin de la saison 2015-2016, avec cinquante-huit points. Lors de la saison 2016-2017, Clermont terminera douzième avec quarante-six points. La rigueur est le mot qui sort en premier de toutes les bouches à l’évocation de Corinne Diacre. Elle est décrite au premier abord comme un monolithe d’exigence aride et de leadership austère. Elle se refuse toute émotion et renvoie l’impression d’un mur. Avant le Mondial 2019, elle fera d’ailleurs barrage à toute demande d’interview, vaccinée par son expérience à Clermont, qui attira les médias du monde entier.

DIACREMENT VÔTRE

Il n’est pas envisageable pour Corinne Diacre de céder aux appels par respect pour le club qui vient de lui donner sa chance, à l’image de la fidélité de sa carrière. Mais elle ne peut que céder vers les sirènes promises. Le 30 août 2017, elle est nommée sélectionneuse de l’Équipe de France féminine pour une durée de quatre ans. Et compose un groupe qui lui ressemble. Comme Aimé Jacquet en son temps, elle n’hésite pas à sacrifier certains talents incapables d’être décisifs dans les matches importants. Avec Corinne Diacre, la métaphore militaire est de mise. Derrière les immuables cadres, le casting de seconds rôles fait dans la besogne et le dévouement. En témoigne Valérie Gauvin, installée à la pointe de l’attaque alors qu’elle peine à être titulaire à Montpellier. La gestion d’équipe de Corinne Diacre, c’est Eugénie Le Sommer qui semblait le mieux la résumer avant la compétition : “La manière dont elle fonctionne, c’est qu’elle pose un cadre, et les joueuses doivent entrer dedans. Elle est détachée du groupe et nous laisse faire ce qu’on veut, mais dans le cadre.”.

Elle participe donc à sa première Coupe du Monde en tant que sélectionneuse. Son équipe remporte le premier match 4-0 au Parc des Princes face à la Corée du Sud, puis les Bleues battent la Norvège par 2-1. À l’issue du troisième et dernier match de poule, les Bleues l’emportent sur le score de 1-0 contre le Nigéria. Les Françaises terminent premières de leur groupe avec trois victoires, puis dominent en huitièmes de finale le Brésil sur un score de 2-1. Elles s’inclinent ensuite sur le même score face aux États-Unis, tenantes du titre.

Si chacun cherche à décrypter le caractère de la sélectionneuse, première arrivée et dernière partie, il faudrait premièrement penser à la laisser travailler sereinement. Ceux qui ne la connaissent pas remarquent les cernes sous ses yeux, comme le poids du monde sur ses épaules. Corinne Diacre ne cherche pas à se mettre en avant mais à contrôler tout ce qu’elle fait, sans oublier qu’elle n’a encore rien gagné. Mais elle veut ce qu’il y a de mieux, à commencer par le prochain EURO en Angleterre.

Ivan GADAY

Crédits photo : sports.orange.fr

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