Ada Hegerberg, scandinave d’or

Ada Stolsmo Hegerberg est en décembre dernier devenue le premier Ballon d’Or France Football féminin de l’Histoire. De par ses performances, ses nombreux titres et ses multiples engagements pour l’égalité des chances ou la condition féminine, elle est une figure majeure du football et sûrement la star de la prochaine décennie. Retour sur son parcours, de la Norvège aux bords du Rhône, son sacre planétaire et son parcours tumultueux avec sa sélection.

Née en Norvège en 1995, Ada Hegerberg grandit dans la ville de Sunndal avec ses parents et sa sœur Andrine. Elles se passionnent toutes les deux pour le football dès l’enfance et évoluent dans des équipes mixtes, puis dans des équipes féminines à partir de leurs neuf ans. Les deux sœurs bénéficient d’un modèle féminin hors pair, en l’occurrence leur mère. Cette dernière est l’ancienne meilleure buteuse du championnat norvégien avec son club Trondheims-ørn. Malgré ces antécédents passionnels, Ada Hegerberg ne s’intéresse que très peu au football féminin et rêve devant le grand Arsenal du début des années 2000, avec un plaisir non dissimulé pour les enroulés du droit de Thierry Henry. Elle débute en 2011, à l’âge de quatorze ans, en Toppserien (Championnat Norvégien), avec le club de Kolbotn IL. Auteure de quinze buts en trente matches, elle est très rapidement repérée par la Fédération. Elle est convoquée pour la première fois en équipe nationale.
Un an plus tard, la famille déménage à Oslo, et les deux soeurs se rapprochent de Kolbotn, l’une des meilleures équipes de football féminin du pays. En 2012, Ada intègre le club de Stabæk avec sa sœur avant de se faire rapidement remarquer. En mai, elle fait ce qu’il lui plaît et inscrit un quintuplé en moins d’une mi-temps lors d’un match face à Fart. Elle participe par ailleurs au parcours européen du club et inscrit ses deux premiers buts en Ligue des Champions. Ses performances hors du commun pour son âge lui permettent d’être repérée par les plus grands clubs d’Europe. En décembre 2012, le club de Potsdam (Allemagne) recrute les deux soeurs. Ada Hegerberg finira ses études secondaires et disputera trente-trois matches en une saison et demi, pour quatorze buts, dont deux en Ligue des Champions.

LA LIONNE VENUE DU NORD

Deux ans plus tard, Andrine s’envole en Suède au Kopparbergs/Göteborg FC, tandis qu’Ada rallie l’Olympique Lyonnais qui est, rappelons-le, le meilleur club européen. Dans une logique de progression, elle intègre petit à petit le trio offensif de l’OL et apprend au contact des meilleurs, en l’occurrence Eugénie Le Sommer et Lotta Schelin. Elle explose littéralement lors de la saison suivante, en 2015-2016, avec cinquante-quatre buts marqués en seulement trente-cinq matches. La nouvelle patronne du secteur offensif du club est désignée meilleure footballeuse de l’année par l’UEFA. Au-delà de ses statistiques kryptoniennes, le club empoche un premier triplé (Championnat, Ligue des Champions, Coupe de France). Ada Hegerberg termine meilleure buteuse de chaque compétition disputée. Jean-Michel Aulas, le Président du club, déclare qu’elle est en route pour devenir la meilleure footballeuse du monde. Des propos que la principale intéressée va confirmer sur le terrain.

En 2016-17, avec un temps de jeu sensiblement réduit du fait de l’arrivée de la superstar américaine Alex Morgan pour six mois, la norvégienne reste la titulaire du poste de buteuse et c’est tout naturellement que le club enchaîne avec un deuxième triplé consécutif. La saison 2017-18 est un copié-collé quasiment total de la saison 2015-16. L’OL remporte la Ligue des champions, le Championnat, mais échoue en finale de la Coupe de France contre le Paris Saint-Germain, où évolue désormais Andrine. Surtout, Ada marque cinquante-trois buts en trente-deux matches, finit encore une fois meilleure buteuse des trois compétitions et bat le record de buts marqués sur une saison en Ligue des Champions. Elle prolonge dans la foulée son contrat de deux ans, jusqu’en 2021. Dans une saison 2018-19 une nouvelle fois couronnée d’un triplé, Ada Hegerberg, fraîchement nommée premier Ballon d’Or féminin de l’histoire, aide grandement à l’obtention des différents titres. Décisive lors de la “finale” du Championnat face au PSG et celle de la Coupe de France face au LOSC, elle qualifie son club pour une nouvelle finale de Ligue des Champions, face au FC Barcelone, lors de laquelle elle inscrit un triplé en quinze minutes. L’OL s’impose 4-1 et remporte une quatrième victoire consécutive dans cette compétition, un sixième titre au total depuis 2011, record dans la compétition tous genres confondus. Ada Hegerberg, nommée joueuse du match, devient alors la première femme à marquer un hat-trick en finale de Ligue des champions, après Ferenc Puskás (qui inscrivit un quadruplé en 1960), Alfredo di Stéfano et Pierino Prati chez les hommes. Elle est également nommée BBC Footballer of the Year 2019 pour la deuxième fois en trois ans. Le 31 juillet 2019, elle fait partie d’une sélection de dix joueuses pour les récompenses annuelles de la FIFA, FIFA The Best.

ADADA SUR LES RECORDS

En recevant le premier Ballon d’Or France Football féminin, la footballeuse a remercié ses coéquipières, son entraîneur et son président Jean-Michel Aulas. Quelques secondes après qu’Ada Hegerberg ait encouragé les jeunes filles à “croire en elles” lors de son discours, le DJ Martin Solveig s’est permis une question très malvenue : “Vous savez twerker ?”, provoquant une vague de rires gras et un “non” cinglant d’Ada Hegerberg. Celle-ci dira plus tard qu’elle n’a pas considéré la remarque sexiste, mais c’est surtout ce que le public retiendra de cette cérémonie au lieu de son incroyable ascension. En effet, elle détient à seulement vingt-quatre ans l’un des palmarès individuels et collectifs les plus étoffés de la discipline et est unanimement reconnue comme une des stars de son sport, de par ses performances ébouriffantes mais également ses prises de position engagées, en particulier avec la sélection norvégienne.

Ada Hegerberg débute avec la Norvège à l’âge de quinze ans. Elle dispute avec la Norvège l’EURO 2013 organisé en Suède et s’incline en finale contre l’Allemagne (1-0). Suite à la piètre prestation de son pays lors de l’EURO 2017 et à des dissensions avec sa Fédération, Ada Hegerberg se met en retrait de la sélection, décision soumise à de nombreuses discussions. Un mois plus tôt, la Norvège, championne du monde en 1995, deux fois championne d’Europe (1987, 1993) et médaillée d’or aux Jeux Olympiques en 2000, s’est fait sortir dès le premier tour de l’Euro. Ada Hegerberg a elle-même été décevante. Après chaque nouvelle victoire avec l’OL, chaque record battu, son retour est évoqué. Mais Ada Hegerberg reste inflexible, Coupe du Monde ou pas. La Fédération ne souhaite plus commenter l’affaire, son sélectionneur déclare qu’il faut être fier et motivé pour évoluer en sélection et ses ex-coéquipières exigent des excuses suite à une interview où elle a déclaré qu’elle avait l’impression d’être une mauvaise footballeuse en rentrant après chaque entraînement.

Pour Ada hegerberg, ce qui compte le plus au monde, c’est la victoire. Elle est exigeante et son ambition est louée dans la victoire mais mal supportée dans l’échec. C’est ce que l’on nomme la Loi de Jante en Scandinavie, qui démontre qu’il ne faut pas se penser plus fort que les autres. Suite à l’EURO 2017 raté, Ada Hegerberg a critiqué le manque d’engagement de la Fédération envers les femmes. Le football féminin a du mal à attirer sponsors comme spectateurs en Norvège. Pour exemple, le Championnat norvégien n’a attiré que deux cent cinquante spectateurs de moyenne en 2018. Un grand nombre de professionnelles doivent travailler en parallèle pour boucler leurs fins de mois. Une situation choquante pour la buteuse de l’OL, habituée à ce qui se fait de mieux et à évoluer avec les meilleures. Et non à disputer un EURO avec les chaussettes des hommes et un seul maillot officiel. Si le sélectionneur reconnaît une erreur d’avoir laissé les deux soeurs dans une même chambre et laissé se dérouler un investissement trop prononcé des parents de ces dernières, le couple Hegerberg ne l’entend pas de cette oreille. Ils ne voient pas Ada Hegerberg revenir en sélection nationale et accusent le sélectionneur d’avoir puni Andrine, non retenue pour la Coupe du Monde en France.

Après son impasse au nom de l’égalité hommes-femmes dans le milieu du football, aussi bien au niveau salarial que dans le traitement et le suivi des joueuses, Ada Hegerberg est pourtant bien présente lors du Mondial, sous la bannière de TF1 et TMC, en tant que consultante exceptionnelle. La Norvège s’inclinera en quarts de finale face à l’Angleterre (0-3). Et aurait bien eu besoin d’une buteuse aux cheveux d’or, qui vient de dépasser les deux cent buts avec l’OL, en moins de cent soixante-dix matches. En chasse pour un nouveau triplé, de nouveaux records et probablement de nouvelles récompenses dans les années à venir.

Ivan GADAY

Crédits photo : The Straits Times

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