A l’origine des inégalités sportives

Alors que ces dernières décennies ont été marquées par la féminisation des pratiques sportives, les progrès concernant l’accès des femmes aux postes à responsabilité demeurent beaucoup plus limités, tout comme l’égalité des statuts pour les sportives. Retour sur les logiques sociales à l’origine de ces inégalités et les motifs d’évolution.

Dès ses origines, l’Etat-Providence accordait une place centrale à la fa­mille en tant que com­munauté d’assistance et d’éducation. La femme avait le rôle de mère et de femme au foyer en charge de l’éducation des enfants, tandis qu’il re­venait à l’homme de subvenir aux besoins du mé­nage. Cette vision était renforcée par les dispositions de l’Etat social. Or, avec la hausse des qualifications observée depuis le début des an­nées 1970, qui a plus largement profité aux femmes qu’aux hommes, l’activité des femmes s’est continûment accrue. Aujourd’hui, la qualification des jeunes femmes est au moins équivalente à celle des hommes. La raison centrale expliquant les inégalités entre les sexes dans le déroulement des carrières est que les femmes sont nombreuses à interrompre leur activité à la naissance de leurs enfants et ne réintègrent ensuite le marché du travail qu’à temps partiel, sans entrer dans aucune discrimination statistique. Si dans tous les pays de l’UE, les femmes sont encore sous-représentées dans les positions dirigeantes, leur part progresse lentement, mais sûrement. En France, 37% des députés, des hauts fonctionnaires comme des dirigeants dans le secteur privé étaient des femmes, ce qui plaçait la France en tête des Etats de l’UE.

Une discrimination mais des évolutions

Qu’il s’agisse de football, handball, boxe, yoga ou longboard, les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire du sport. Selon l’INSEE, 45% des femmes (et 50% des hommes) de seize ans ou plus déclarent avoir pratiqué une activité physique ou sportive au cours des douze derniers mois, contre 40% en 2009. Les femmes sont aussi plus nombreuses à adhérer à un club ou à une association sportive : entre 2008 et 2014, le nombre de licences délivrées à des femmes a augmenté de 16,54%. Cette tendance touche autant les sports individuels que collectifs. Depuis 2010, la Fédération Française de Handball a par exemple vu son nombre de licenciées s’accroître de près de 50.000 membres. Même les sports traditionnellement considérés comme masculins sont impactés. En 2017, les femmes représentaient par exemple 40% des licenciés de boxe française, soit 8% de plus qu’il y a dix ans. En rugby, même si elles restent très minoritaires, le nombre de licenciées a bondi de 49% entre 2014 et 2017. Une volonté politique du domaine sportif où les diverses lois en faveur de l’égalité entre hommes et femmes ont joué un rôle d’accélérateur. Dès 2006, quatre fédérations sportives (handball, basketball, cyclisme et football) ont mis en place un plan de féminisation. Ce dispositif est désormais obligatoire : actuellement, quatre-vingt neuf fédérations sportives sur cent dix-sept en ont un. L’objectif est de promouvoir la place des filles et des femmes dans tous les domaines : pratique sportive mais aussi arbitrage, formation et encadrement.

L’enjeu repose également sur des campagnes de communication pour développer le sport féminin. Même dans les sports disposant de peu de moyens, des efforts sont faits pour favoriser la mixité. C’est par exemple le cas de la fitness boxe.

 

En 2018, le monde compte vingt et une dirigeantes, quand 60% des pays n’ont jamais eu de femme à leur tête. Dans la direction d’entreprises, les femmes gardent une place minoritaire : il y a en France deux fois plus d’hommes dirigeants d’entreprises (1 800 000) que de femmes (900 000). Pour les instances sportives, à l’image d’autres secteurs, le monde sportif reste marqué par des inégalités de genre. La féminisation des postes à responsabilité apparaît comme une condition nécessaire à une mixité effective du sport. La massification de la pratique sportive en France à partir des années 1950 et sa relative démocratisation ont conduit à une forte augmentation de la pratique féminine ces dernières décennies. Ainsi, le taux de pratique des femmes atteint aujourd’hui un niveau quasiment équivalent à celui des hommes. Les femmes s’orientent ainsi majoritairement vers des activités physiques éloignées des critères les plus valorisés de la pratique sportive que sont la compétition, la performance pour privilégier des préoccupations liées à la santé, au bien-être, etc. Les choses sont quelque peu différentes dès lors que l’on quitte le seul domaine de la pratique de masse pour s’intéresser à l’encadrement de la pratique et à l’exercice de postes à responsabilité. Les femmes sont d’autant moins nombreuses que l’on s’approche des sphères de décision et de pouvoir. Les femmes apparaissent encore aujourd’hui comme des outsiders pour qui l’accès aux postes de responsabilité se heurte à une multitude d’obstacles. Les organisations sportives reposent sur une division genrée du travail. D’autre part, des logiques sociales sont à l’œuvre dans ce type de recrutement en montrant que les femmes qui parviennent à des postes à responsabilités se distinguent par des dispositions spécifiques. Il est à noter que différents dispositifs sont mis en place par les pouvoirs publics afin de favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilités.

 

Un retard considérable

Mais malgré ces initiatives positives pour promouvoir la mixité, le retard reste considérable au niveau des instances dirigeantes des fédérations sportives. Il n’y a qu’une seule femme présidente d’une Fédération Olympique et seulement onze femmes à la tête de fédérations non olympiques. Les femmes ne représentent par ailleurs que 11% des entraîneurs nationaux. Certains athlètes pratiquent leur sport de façon professionnelle : ils sont rémunérés pour s’entraîner et participer à des compétitions. Ils peuvent être salariés d’un club, avoir un contrat de fonctionnaire et bénéficier de convention d’aménagements d’emploi, être rémunérés par des sponsors. Les hommes sont beaucoup plus nombreux à bénéficier de ce statut. Rares sont les sportives de haut niveau qui perçoivent un salaire pour exercer leur passion. En cyclisme, il n’y a par exemple qu’une seule équipe féminine professionnelle contre une dizaine d’équipes masculines. Quant aux Bleues, qui ont enflammé les stades en août 2017 en terminant troisièmes en Coupe du monde de rugby à XV féminin, elles jouent sous semi-fédéral. Les sportives de haut niveau qui n’ont pas de statut professionnel doivent du coup redoubler d’efforts pour mener de front activité professionnelle et pratique sportive. Lorsqu’elles ont la chance d’avoir un statut de sportive professionnelle et de pouvoir vivre de leur passion, les athlètes femmes ne sont pourtant pas logées à la même enseigne que les hommes en matière de salaire. En 2016, le sport féminin a représenté, selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel, entre 16% et 20% du volume horaire de diffusion de retransmissions sportives, autant dire peu. Or, la médiatisation d’un sport, en particulier lors de compétitions et qui plus est en cas de bons résultats, donne envie aux sponsors d’investir et aux gens de se licencier. Il est à noter les efforts récents du service France Télévisions ou de Bein Sport, en particulier pour le rugby et le handball, comme nous avons pu l’observer lors de précédentes newsletter.

 

Les inégalités de genre se fondent sur un certain nombre d’impensés qui touchent à la fois les hommes et les femmes. La nécessité est de prendre conscience de ces impensés à son échelle afin de les dépasser, car la remise en cause des inégalités de genre est l’affaire de toutes et tous.

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